En papillonnant dans la librairie de mon université, j'ai tout de suite été attirée par cette femme aux cheveux de feu. Je m'imaginais déjà apprendre à la connaître, enfouie sous une tonne de coussins et de plaids réconfortants, sur fond de pluie s'écoulant le long de ma fenêtre. Je me suis alors penchée sur la quatrième de couverture pour tenter d'obtenir de premières informations à son sujet. J'étais alors très loin d'imaginer l'histoire macabre et pourtant si réaliste qui m'attendait...
Dans une société faisant étrangement écho à la nôtre, un virus a fait rage, rendant la consommation de viande animale impossible. Les derniers animaux, même de compagnie, sont fuis, euthanasiés, parfois torturés. Avec l'aide de scientifiques, le gouvernement a alors créé du bétail humain et a pu convaincre la population d'en inclure dans son alimentation. De nouvelles boucheries hors de prix émergent, vendant des bras, des jambes ou des langues, appartenant à des femelles, des mâles, et même des fœtus. Si Marcos, notre personnage principal, garde un certain dégoût et refuse d'en consommer, il nous plonge malgré tout dans les viscères de l'abattoir dans lequel il travaille. Rien ne nous est épargné, tous les détails nous sont exposés de façon très clinique. Il n'y a aucun doute, nous assistons à une véritable autopsie. Si le gouvernement semble couvrir les aspects les plus macabres en attribuant un nouveau vocabulaire au bétail humain appelé « viande spéciale », le monde entier se déshumanise progressivement. Comment dissocier la marchandise de l'humain lorsque les deux se confondent ?
Cette dystopie mettant en avant une légalisation du cannibalisme nous pousse à remettre en question le fonctionnement de notre propre société, qui ne semble qu'en apparence bien loin de celle décrite dans Cadavre Exquis. Nous exposer à de telles atrocités créé des haut-le-cœur, mais aurions-nous réagi différemment si l'autrice, Agustina Bazterrica, nous avait présenté un abattoir classique dans lequel sont tués quotidiennement des animaux ? Les conditions n'y sont pas bien différentes, le rapprochement se fait donc assez facilement... Après tout, face aux nombreux cas de viande vendue avariée voire infectée, face à l’extinction d'espèces animales et face à une population qui ne cesse d'augmenter, ne serait-il pas possible que nous tombions dans un schéma similaire un jour ? Si le gouvernement a pu pousser les humains à manger leurs semblables sans grande remise en question, est-il possible que nous le soyons aussi vis-à-vis des animaux ? Beaucoup de médecins disent qu'être végétarien est mauvais pour la santé ; on nous apprend à consommer du lait pour « bien grandir » sans nous permettre de nous demander pourquoi il serait nécessaire pour l'humain de boire le lait d'une autre espèce que la sienne...Tous les sens sont mis à profit à travers la lecture de Cadavre Exquis, au plus grand regret de mon estomac qui m'a parfois poussée à faire des pauses dans l'avancée de l'histoire pour que mon repas ne finisse pas sur les genoux de mon voisin de siège de métro. À travers ce premier roman, Agustina Bazterrica nous expose à une écriture très cinématographique et nous plonge alors très rapidement dans une bulle sanglante. Elle nous tient en haleine jusqu'au bout grâce au protagoniste auquel nous nous attachons dans l'espoir de garder foi en l'humanité. Par ailleurs, l'enfance a une place clé dans le roman et y apporte une dimension aussi étonnante que profonde, confrontée à tout un environnement qui perd vie.
Si tu as le cœur bien accroché, je ne peux que te conseiller cette lecture. Il est possible que tu aies ensuite l'impression d'être le/la personnage principal⋅e du Truman Show, je te l'accorde, mais si tu aimes quand la limite entre la fiction et la réalité semble très fine, tu trouveras ta place dans l'histoire. Ce sont un peu moins de 300 pages qui peuvent se lire très rapidement. Le style est accessible mais l'ambiance ne donne pas forcément envie d'y retourner l'heure suivante. En tout cas, je serais très curieuse de savoir ce que tu en penses, si les lignes de ce roman t'ont parlées ou pas, à quel point tu le places du côté de la fiction, si ça a fait danser les boyaux de ton ventre autant que les boyaux de ta tête... Tu peux retrouver Cadavre Exquis d'Agustina Bazterrica, traduit de l'espagnol par Margot Nguyen Béraud, aux éditions Flammarion pour 19€.
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Dans une société faisant étrangement écho à la nôtre, un virus a fait rage, rendant la consommation de viande animale impossible. Les derniers animaux, même de compagnie, sont fuis, euthanasiés, parfois torturés. Avec l'aide de scientifiques, le gouvernement a alors créé du bétail humain et a pu convaincre la population d'en inclure dans son alimentation. De nouvelles boucheries hors de prix émergent, vendant des bras, des jambes ou des langues, appartenant à des femelles, des mâles, et même des fœtus. Si Marcos, notre personnage principal, garde un certain dégoût et refuse d'en consommer, il nous plonge malgré tout dans les viscères de l'abattoir dans lequel il travaille. Rien ne nous est épargné, tous les détails nous sont exposés de façon très clinique. Il n'y a aucun doute, nous assistons à une véritable autopsie. Si le gouvernement semble couvrir les aspects les plus macabres en attribuant un nouveau vocabulaire au bétail humain appelé « viande spéciale », le monde entier se déshumanise progressivement. Comment dissocier la marchandise de l'humain lorsque les deux se confondent ?
Cette dystopie mettant en avant une légalisation du cannibalisme nous pousse à remettre en question le fonctionnement de notre propre société, qui ne semble qu'en apparence bien loin de celle décrite dans Cadavre Exquis. Nous exposer à de telles atrocités créé des haut-le-cœur, mais aurions-nous réagi différemment si l'autrice, Agustina Bazterrica, nous avait présenté un abattoir classique dans lequel sont tués quotidiennement des animaux ? Les conditions n'y sont pas bien différentes, le rapprochement se fait donc assez facilement... Après tout, face aux nombreux cas de viande vendue avariée voire infectée, face à l’extinction d'espèces animales et face à une population qui ne cesse d'augmenter, ne serait-il pas possible que nous tombions dans un schéma similaire un jour ? Si le gouvernement a pu pousser les humains à manger leurs semblables sans grande remise en question, est-il possible que nous le soyons aussi vis-à-vis des animaux ? Beaucoup de médecins disent qu'être végétarien est mauvais pour la santé ; on nous apprend à consommer du lait pour « bien grandir » sans nous permettre de nous demander pourquoi il serait nécessaire pour l'humain de boire le lait d'une autre espèce que la sienne...Tous les sens sont mis à profit à travers la lecture de Cadavre Exquis, au plus grand regret de mon estomac qui m'a parfois poussée à faire des pauses dans l'avancée de l'histoire pour que mon repas ne finisse pas sur les genoux de mon voisin de siège de métro. À travers ce premier roman, Agustina Bazterrica nous expose à une écriture très cinématographique et nous plonge alors très rapidement dans une bulle sanglante. Elle nous tient en haleine jusqu'au bout grâce au protagoniste auquel nous nous attachons dans l'espoir de garder foi en l'humanité. Par ailleurs, l'enfance a une place clé dans le roman et y apporte une dimension aussi étonnante que profonde, confrontée à tout un environnement qui perd vie.
Si tu as le cœur bien accroché, je ne peux que te conseiller cette lecture. Il est possible que tu aies ensuite l'impression d'être le/la personnage principal⋅e du Truman Show, je te l'accorde, mais si tu aimes quand la limite entre la fiction et la réalité semble très fine, tu trouveras ta place dans l'histoire. Ce sont un peu moins de 300 pages qui peuvent se lire très rapidement. Le style est accessible mais l'ambiance ne donne pas forcément envie d'y retourner l'heure suivante. En tout cas, je serais très curieuse de savoir ce que tu en penses, si les lignes de ce roman t'ont parlées ou pas, à quel point tu le places du côté de la fiction, si ça a fait danser les boyaux de ton ventre autant que les boyaux de ta tête... Tu peux retrouver Cadavre Exquis d'Agustina Bazterrica, traduit de l'espagnol par Margot Nguyen Béraud, aux éditions Flammarion pour 19€.
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