Ça y est, c'est le grand jour : j'ai dix-huit ans (bon, en fait, j'ai pris dix-huit ans le 20 novembre, mais vous comprendrez bien qu'être une grande personne prend du temps, je poste donc cet article avec un peu de retard). C'est exactement l'âge qui me fout la trouille, la frousse, les pétoches et les chocottes... Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé de rallonger le temps !
Durant ces dix-huit dernières années, j'ai d'abord beaucoup dormi. J'ai soigneusement laissé mes rêves me décoller la tête des épaules et les pieds du sol afin de profiter au mieux de ma jeunesse. Seulement, une fois les deux yeux bien ouverts, j'ai dû me rendre à l'évidence ; mon pyjama laissait entrevoir mes sous-vêtements, mes orteils dépassaient de mes chaussons, mes jambes de mon lit, et mes fesses commençaient à creuser deux cuves sur le dessus de mon matelas. Visiblement, le temps avançait, même les yeux fermés.Je suis alors allée modifier l'emplacement de chaque aiguille de chaque montre, pendule et horloge pour trafiquer le présent, retourner dans le passé et allonger le futur. Bien sûr, le temps ne devait pas démanteler cette supercherie et simplement vouloir s'adapter à la cadence que tout le monde semblait lui imposer. Enfin, seulement moi, en fait... Mes parents, eux, n'étaient pas dupes. Pourtant bien plus vieux que moi, ils n'avaient paradoxalement pas la volonté de gagner quelques heures de bon temps, et m'avaient même sermonnée à cause du réveil de ma mère qui sonnait à trois heures quarante-six et celui de mon père à onze heures trente-deux. Ils disaient qu'à cause de moi ils étaient en retard au travail, qu'ils rataient l'heure du film et que l'on mangeait à une heure où ils n'avaient pas faim. Que voulez-vous, ils sont comme ça, les adultes, il faut tout leur expliquer...
Bien trop peur qu'ils se prennent pour Tante et Oncle Dursley et qu'ils finissent par m'enfermer dans un placard sous l'escalier, j'ai fini par accepter de voir en boucle le soleil se lever puis se coucher. J'y ai même pris un certain plaisir, je comptais régulièrement le nombre de dodos qu'il me manquait avant chaque festivité. J'imaginais même joyeusement quelle serait ma vie à dix-huit ans... Un bel appartement en plein centre-ville soigneusement décoré, une jolie voiture rouge arborant fièrement un autocollant "A l'aise Breizh" et une bonne ribambelle de bons copains amenant avec eux des soirées riches en rires, en alcool et en rencontres d'un soir. Finalement, une vie avec à la fois plus de responsabilités et plus de libertés, une sorte de paradis sur terre dont on ne peut profiter que quelque temps.Autant vous dire maintenant que je me fourrais le doigt dans l’œil. Avec un peu d'effort, j'aurais peut-être pu atteindre le cerveau et lui demander une bonne fois pour toute de me recoller la tête sur les épaules et les pieds au sol. Finies les carabistouilles, on ne rigole plus : j'ai dix-huit ans, bien toutes mes dents (même trop, qui est l'idiot qui a créé des dents de sagesse, franchement, je veux pas être sage moi), mais clairement pas tout ce que je m'étais imaginé. Je dors toujours beaucoup dans mon petit lit simple peu pratique pour lesdites rencontres d'un soir, je vis toujours dans la maison de mes parents peu pratique pour l'organisation de soirées alcoolisées et j'ai même pas de carte de bus pour vagabonder comme je le veux. Dans mes poches, quelques figurines et cartes de Chocogrenouille, mais pas un sou.
Moi qui voulais me moquer du temps, c'est finalement lui qui m'embobine. Tant pis, qu'il en soit ainsi ! Qu'il me laisse sauter dans les flaques à pieds joints, manger les quatre coins des biscuits, chanter Sous l'Océan dans le bain, collectionner les peluches, me coller la langue sur les glaces, boire du chocolat chaud à outrance, me taper sur les joues pour faire de la musique, porter des pulls de Noël en mai, lire des contes de fées, dessiner des renards sur les cours des copains, placer des embouts mignons sur mes crayons, jouer Hakuna Matata au ukulele, passer plus de temps dans les rayons pour enfants que pour adultes à la bibliothèque, manger de la bouillie pour bébé au dîner, porter des chaussettes dépareillées...Et toi, quelle est votre technique pour modifier le cours du temps ?Dis moi tout...
Durant ces dix-huit dernières années, j'ai d'abord beaucoup dormi. J'ai soigneusement laissé mes rêves me décoller la tête des épaules et les pieds du sol afin de profiter au mieux de ma jeunesse. Seulement, une fois les deux yeux bien ouverts, j'ai dû me rendre à l'évidence ; mon pyjama laissait entrevoir mes sous-vêtements, mes orteils dépassaient de mes chaussons, mes jambes de mon lit, et mes fesses commençaient à creuser deux cuves sur le dessus de mon matelas. Visiblement, le temps avançait, même les yeux fermés.Je suis alors allée modifier l'emplacement de chaque aiguille de chaque montre, pendule et horloge pour trafiquer le présent, retourner dans le passé et allonger le futur. Bien sûr, le temps ne devait pas démanteler cette supercherie et simplement vouloir s'adapter à la cadence que tout le monde semblait lui imposer. Enfin, seulement moi, en fait... Mes parents, eux, n'étaient pas dupes. Pourtant bien plus vieux que moi, ils n'avaient paradoxalement pas la volonté de gagner quelques heures de bon temps, et m'avaient même sermonnée à cause du réveil de ma mère qui sonnait à trois heures quarante-six et celui de mon père à onze heures trente-deux. Ils disaient qu'à cause de moi ils étaient en retard au travail, qu'ils rataient l'heure du film et que l'on mangeait à une heure où ils n'avaient pas faim. Que voulez-vous, ils sont comme ça, les adultes, il faut tout leur expliquer...
Bien trop peur qu'ils se prennent pour Tante et Oncle Dursley et qu'ils finissent par m'enfermer dans un placard sous l'escalier, j'ai fini par accepter de voir en boucle le soleil se lever puis se coucher. J'y ai même pris un certain plaisir, je comptais régulièrement le nombre de dodos qu'il me manquait avant chaque festivité. J'imaginais même joyeusement quelle serait ma vie à dix-huit ans... Un bel appartement en plein centre-ville soigneusement décoré, une jolie voiture rouge arborant fièrement un autocollant "A l'aise Breizh" et une bonne ribambelle de bons copains amenant avec eux des soirées riches en rires, en alcool et en rencontres d'un soir. Finalement, une vie avec à la fois plus de responsabilités et plus de libertés, une sorte de paradis sur terre dont on ne peut profiter que quelque temps.Autant vous dire maintenant que je me fourrais le doigt dans l’œil. Avec un peu d'effort, j'aurais peut-être pu atteindre le cerveau et lui demander une bonne fois pour toute de me recoller la tête sur les épaules et les pieds au sol. Finies les carabistouilles, on ne rigole plus : j'ai dix-huit ans, bien toutes mes dents (même trop, qui est l'idiot qui a créé des dents de sagesse, franchement, je veux pas être sage moi), mais clairement pas tout ce que je m'étais imaginé. Je dors toujours beaucoup dans mon petit lit simple peu pratique pour lesdites rencontres d'un soir, je vis toujours dans la maison de mes parents peu pratique pour l'organisation de soirées alcoolisées et j'ai même pas de carte de bus pour vagabonder comme je le veux. Dans mes poches, quelques figurines et cartes de Chocogrenouille, mais pas un sou.
Moi qui voulais me moquer du temps, c'est finalement lui qui m'embobine. Tant pis, qu'il en soit ainsi ! Qu'il me laisse sauter dans les flaques à pieds joints, manger les quatre coins des biscuits, chanter Sous l'Océan dans le bain, collectionner les peluches, me coller la langue sur les glaces, boire du chocolat chaud à outrance, me taper sur les joues pour faire de la musique, porter des pulls de Noël en mai, lire des contes de fées, dessiner des renards sur les cours des copains, placer des embouts mignons sur mes crayons, jouer Hakuna Matata au ukulele, passer plus de temps dans les rayons pour enfants que pour adultes à la bibliothèque, manger de la bouillie pour bébé au dîner, porter des chaussettes dépareillées...Et toi, quelle est votre technique pour modifier le cours du temps ?Dis moi tout...