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Récemment, l'article sur les Boxers Braids de Paulette Magazine, avaient fait bondir certaines lectrices, révoltées que l'on puisse dire que les tresses couchées avaient été conçues par les boxeuses, en taisant purement et simplement leur histoire africaine. Et quel étonnement de voir que parmi les photos choisies pour illustrer le sujet, la rédaction n'avait choisi que des modèles européens. Un peu comme si les tresses couchées n'étaient acceptables que sur les Caucasiennes... Là n'était pas le propos de Paulette, on s'en doute, mais certaines y ont lu un mépris pour les tresses portées par les noires. Et puis, voir ces tresses couchées dans tous les magazines de mode, portées le plus souvent le plus souvent sur des mannequins occidentaux, revient à dire que cette coiffure n'a de valeur esthétique que sur les femmes blanches.
Or, le nattage des cheveux fait partie intégrante de la culture africaine. Un art qui se transmet de génération en génération et constitue un mode de transmission.
Bref, un historique s'impose pour démontrer tout d'abord le caractère ancestral de la tresse dans la culture africaine.
La tresse, à la différence de la natte, est une figure qui reste plaquée contre le cuir chevelu, qu'elle parcourt en dessinant un tracé géométrique, à la façon des chemins de traverse ou des sentiers ménagés dans les champs de céréales (c'est de là que vient l'appellation américaine cornrow qui signifie " rang de maïs "). C'est ce qu'on nomme le plus souvent " tresse africaine ".
Elle se distingue en cela de la " natte " qui désigne exclusivement les entrelacements qui pendent du cuir chevelu. Et qui il est vrai fait partie d'autres cultures capillaires comme celle des Vikings, des Amérindiens, des Chinois.
La tresse est parait-il la plus ancienne coiffure de l'humanité ; en effet, La dame de Brassempouy et la Vénus de Willendorf sont deux statuettes qui datent d'environ 22 000 ans avant J-C ; toutes les 2, représentent une femme aux cheveux tressés. Quand on observe l'art préhistorique et en particulier les statuettes féminines appelées " Vénus " datant de l'ère gravettienne (entre 29000 et 22000 avant notre époque) et découvertes en Europe, on est frappé par leurs ressemblances aux Africa Si aujourd'hui, la plupart des préhistoriens se sont rangés du coté de la thèse des cheveux crépus tressés, certains continuent de propager ce qualificatif de " dame à la capuche " pour nommer ce portrait de l'ère gravettienne.ines. Toutes les Vénus avec des cheveux ont des cheveux crépus.
C'est à partir de la vallée du Nil que ce type de coiffure tressée s'est répandu.
Ce sont surtout d'abord les Nubiens, les Egyptiens et les anciens Hébreux, qui adoptent une chevelure coiffée en fines dreadlocks, alors qu'une partie de la population noire préfère se raser les cheveux, notamment les prêtres égyptiens et les femmes d'origine Masaï. D'autres adoptent la coiffure dite " Afro " , ou bien encore la coiffure dite " en dégradé " qui rappelle le casque de Ramsès.
(source : www.beauteblackk.org)
Par la suite, ce type de coiffure va se propager dans le reste de l'Afrique Noire. La coiffure tressée montrait l'appartenance à une caste, les différents événements de la vie (lors d'un mariage ou d'un décès) ou le rang social.
- À l'ouest, il y avait les Peuls, Akans, Dogons, Mandingues, Yorubas, Wolof, Haoussas
- Au centre, c'était les Mangbetous, Fang, Bamilékés, les Bantous (de toute l'Afrique) etc.
- À l'est, les Maasaïs jusqu'à aujourd'hui.
Les autres traces historiques, concernent les premières grandes civilisations africaines, comme l'Egypte antique où la coiffure symbolisait le rang social. Les hommes ou femmes portaient différents types de coiffure à tresses : nattes collées ou nattes simples. Elles étaient souvent ornementées de fils d'or et d'autres raffinements. A cette époque, on accordait à la chevelure un soin particulier (huile parfumée, fleur de lotus). Ainsi, le Roi proto-dynastique TERA NETER en Pays KÉMÈT (Egypte ancienne) porte les cheveux coiffés en tresses. Ce type de coiffure tressé est ensuite observé dans de nombreuses castes de la population Egypto-Nubienne (scribes, pharaons, artisans...), femmes.
Source www.africamaat.com
Il existe une variété incroyable de tresses selon les pays africains : elles peuvent se différencier par leur taille comme chez ces jeunes femmes de Namibie.
Ou chez ces jeunes filles du Congo Brazzaville en 1940 :
Autre coiffure à retenir ; la coque comme chez les femmes Mangbetu, au Congo et en Ouganda où le crâne est déformé pour être allongé. Les Mangbetu enveloppent la tête du bébé dans des cordelettes, avant la consolidation des os, pendant une année, leur donnant ainsi un crâne très allongé, signe de beauté et d'intelligence. L'origine de cette pratique remonte à l' Égypte antique, tout comme la célèbre harpe mangbetu, qu'on retrouve également chez les Fangs du Gabon, les Azandés, cousins des Mangbetu.
Les coiffures coniques des femmes Zulu qui ont d'ailleurs inspiré le look de Lupita.
Les tresses en relief, façon rock de Côte d'Ivoire
L'association de cheveux tressées en damiers et prolongés par des tresses comme sur cette jeune danseuse de Brazzaville en 1940 :
Les tresses utilisant pour procédé l'entortillement des cheveux
Il faut également souligner le degré de complexité des tresses avec souvent des ornementations qui va contre l'idée reçue que les tresses africaines ont uniquement un prétexte pratique. Il y a un art véritable du tressage en Afrique.
Voici des exemples de coiffures très élaborées, comme sur cette jeune fille Peuhl au Soudan au début du siècle avec des coquillages et coraux en guise d'ornementation.
Ou sur cette jeune fille du Sénégal en 1884
Chez ces jeunes filles de Guinée, la complexité de la coiffure contraste superbement avec la mise simple des jeunes filles.
Regarder également cette jeune fille marocaine en 1937 :
Penchons-nous à présent sur la façon dont ces coiffures africaines influencent les coiffures d'aujourd'hui, y compris chez les femmes de type caucasien.
A voir cette coiffure d'une jeune fille d'Erythrée prise dans les années 30...
... on constate à quel point Bo Derek n'a pas inventé ces tresses couchées mais s'est inspirée de ce genre de coiffure ancestral.
Le chignon de Sarah Michelle Gellar
Ne vous rappelle pas cette jeune fille Wolof du Sénégal ?
Ajoutons que l'engouement pour les tresses ne datent pas d'aujourd'hui.
Exemple ci-dessous avec Marlène Deitrch et Elisabeth Taylor :
Les tresses afros ont été récemment mises à l'honneur par l'artiste américaine Shani Crowe avec " Braids " est une série de portraits photographiques et vidéos qui souligne la dimension belle et profonde du tressage de cheveux - une discipline que Shani Crowe considère comme un art à part entière.
Pour ses oeuvres, Shani Crowe s'inspire du style de tressage des femmes afro-américaines des années 60, ainsi que des différentes tresses existantes sur chaque région du continent africain. Une façon, pour l'artiste, d'honorer son identité culturelle. Une belle initiative que l'on aimerait voir épouser plus souvent par les célébrités ou mannequins noirs qui leur préfère des tissages ou des défrisages. Notons quand même la démarche de Beyonce : Elle avait déjà opté pour des tresses africaines au moment du premier anniversaire de sa fille Blue Ivy , pour Thanksgiving en 2012 et également lors de son voyage à Cuba avec son mari Jay Z. Dans son dernier titre Formationet sa prestation du Super Bowl 2016, Beyoncé revendique haut et fort son identité afro-américaine. La chanteuse met ses propos en avant en s'affichant en couverture du numéro de mars de Garage Magazine, une revue anglaise dédiée à l'art, coiffée de tresses africaines rappellant ses débuts au sein des Destiny's Child.
Jada Pinkett-Smith, Ciara ou encore Alicia Keys ont également arboré des nattes collées sur tapis rouge mais il est vrai que cela reste exceptionnel.