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J'ai eu l'honneur d'interviewer Aline Tacite, l'une des fondatrices de l'organisation Boucles d'Ebène qui n'est rien de moins que la référence pour la promotion du cheveu naturel en France.
Peux-tu te présenter?Je suis Aline Tacite, je suis co-fondatrice de l'association Boucle d'Ebène et du salon-événement du même nom.
Quel est ton parcours?J'ai un parcours assez atypique. D'une formation d'assistante de direction trilingue, j'ai travaillé pour de grands groupes ainsi que dans un grand cabinet d'avocat. Parallèlement, j'ai créé avec ma sœur Marina Tacite, l'association Boucles d'Ebène en 2004 dans le but de promouvoir le cheveu naturel. Ma vie s'est orientée vers cette association et l'organisation de l'événement Boucles d'Ebène que nous avons créé en 2005.
En 2007, je me suis rendue à Londres pour y être formée et travailler comme manager et coiffeuse dans un salon de coiffure spécialisé dans les cheveux naturels et les locks durant trois ans.
Suite à cette expérience, je suis revenue en France où j'ai créé mon espace dédié à la coiffure naturelle et les locks en région parisienne.
Nous avons repris l'événement Boucles d'Ebène en 2013 avec Sandra Bozon.
Pourquoi le salon-évènement Boucles d'Ebène a-t-il été créé?Car à l'époque, c'était très rare de trouver des produits et des informations pour répondre à notre choix de coiffure qui est de porter des cheveux naturels. Nous nous sommes rendues compte que notre problématique était partagée par d'autres femmes noires dans le monde. A défaut de trouver des réponses en France, nous les avons trouvés aux Etats-Unis et en Angleterre. Nous avons donc fait parvenir ces informations en France sous la forme du salon-événement Boucles d'Ebène. Le but de ce salon est de faire partager les informations aux femmes et donner des choix en terme de gestion du cheveu et de possibilité de coiffures.
En quoi consiste l'association ?Elle a deux objectifs. Le premier est de valoriser la beauté des femmes afro-caribéennes au naturel sous la forme de diffusions d'images positives et belles via nos réseaux sociaux. Nous donnons des informations sur le type de produits à utiliser, montrons que notre cheveu n'est pas un obstacle. Nous touchons également toutes les problématiques autour de la peau entre autre la dépigmentation volontaire. Nous montrons que la peau ébène et caramel est belle, mais aussi que nos spécificités sont diverses.
Le deuxième objectif est d'éduquer et prévenir les parents et les enfants sur les dangers et les conséquences sanitaires de certaines pratiques capillaires et esthétiques telles que le défrisage chimique à outrance, les tissages portés trop longtemps et les défrisages effectués sur les enfants trop jeunes.
Pour quelle raison penses-tu que les femmes afro-caribéennes reviennent vers le naturel ?Je pense qu'il y a plusieurs facteurs :
La prise de conscience générale, un retour à soi. Pourquoi changer son cheveu de manière permanente alors qu'il a des spécificités et qu'on peut le chérir ? C'est un mouvement général qui dépasse les femmes afro-caribéennes et cela se traduit par des mouvements comme celui du bio.
Beaucoup de femmes reviennent au naturel suite à des déboires capillaires comme l'alopécie (la chute des cheveux qui touche en grande partie la communauté noire).
Pour une infime partie des femmes, le retour au naturel vient d'un mouvement de mode. La tendance pour les coiffures européennes et afros est de mettre le volume en valeur ; les cheveux gonflés sont en vogue.
Les blogueuses et internet ont joué un grand rôle dans ce phénomène car l'information est largement accessible maintenant (ex comment démêler ses cheveux). Les femmes ont beaucoup moins de difficulté à trouver des informations, à la différence d'il y a plusieurs années durant lesquelles il n'y avait pas de choix de produits adaptés pour assouplir et hydrater profondément le cheveu (ex : vaseline, produits très gras). Maintenant, plusieurs marques proposent des produits adaptés aux femmes noires et métissées aux cheveux naturels.
Certaines disent que les femmes qui se défrisent les cheveux et portent des tissages ont des problèmes d'identité et d'estime de soi. Qu'en penses-tu ?Je pense que ce n'est pas aussi simple que ça, la réponse n'est pas aussi nette.
Je ne me permet pas de juger car le choix est personnel et je l'entend pour être passé par la case du défrisage durant mon adolescence, j'entend qu'on se défrise de manière régulière.
Mais, maintenant que l'offre est disponible, qu'il y a des choix de coiffure pour les cheveux naturels dans les magazines, c'est plus simple de porter son cheveu au Naturel.
Notre rôle est d'apporter à ces femmes l'information qu'il faut pour qu'elles aient confiance et n'aient plus peur de revenir au naturel.
Notre positionnement n'a jamais été contre un choix de coiffure, nous nous positionnons pour le cheveu naturel et pour l'ouverture.
Quelle est l'actualité de Boucles d'Ebène?Le salon Boucles d'Ebène arrive à sa cinquième édition durant laquelle nous fêterons les dix ans de l'association.
Nous allons relancer les ateliers femmes et enfants pour la deuxième partie de l'année. Ces ateliers ont pour objectif d'éduquer la maman qui n'a pas appris les gestes simples pour démêler et coiffer les cheveux de ses enfants et pour qu'elle les l'éduque à son tour par rapport à leurs cheveux et le choix des produits.
Notre cheveu étant assez singulier, quand on ne connaît pas son fonctionnement, on arrive à des problèmes capillaires importants. Le but est d'éduquer et de sensibiliser sur des gestes simples et sains pour se coiffer car on a souvent tendance à voir le côté difficile de nos cheveux. Notre but est de dédramatiser le fameux discours "nos cheveux sont incoiffables".
Pour plus d'informations sur cette organisation, rendez-vous sur: Boucles d'Ebène