Marion Maréchal-Lepen propose de couper les aides allouées au Planning Familial. J'ai décidé de vous parler de mon expérience au Planning afin de protester et de lutter à ma façon contre ce qui n'est rien d'autre qu'une atteinte au droit des femmes à trouver une aide gratuite en France pour toutes leurs questions concernant leur sexualité. J'ai aussi envoyé une copie de ce texte à l'excellent magasine féminin en ligne qu'est Madmoizelle, en réponse à leur appel à témoin (en espérant qu'ils me citent parce que ça serait trop classe!)
Bonjour,
je m'appelle Hélène, j'ai 22 ans et je me suis rendue au Planning Familial pour la première fois cet été.
Si j'ai décidé (ou plutôt été forcée devrais-je dire) de m'y rendre, c'est parce que la gynécologue qui me suivait depuis des années a catégoriquement refusé de me poser le stérilet en cuivre que je lui demandais.
La raison? J'étais célibataire et "trop jeune". Deux choses qui n'empêchent aucunement la pose d'un stérilet. J'en ai eu plusieurs fois la confirmation dans les longues discussions avec les divers médecins, sages femmes et bénévoles du Planning.
J'ai toujours été extrêmement bien reçue au Planning. Les standardistes ont toutes été adorables : un vrai signe qu'ils ne choisissent que les personnes les plus gentilles au monde dans leurs équipes! J'ai encore appelé le Planning pas plus tard que ce midi pour prendre rendez-vous, et on nous demande systématiquement la raison de notre appel, jusqu'à nous conseiller directement eu téléphone si besoin. Pour prendre rendez-vous, on nous demande notre nom et prénom, ainsi que notre âge. On nous prévient à l'avance s'il y aura un quelconque frai médical à avancer. (quand je vous dis qu'ils sont parfaits!)
J'ai été à deux centres différents dans Paris, mais les séances au Planning commencent toutes de la même manière. Toutes les jeunes femmes (et hommes s'il y en a!) sont convoquées à la même heure. Elles inscrivent leurs noms sur une feuille de présence, par ordre d'arrivée par souci de justice concernant l'ordre de passage pour la consultation avec le médecin ou la sage femme. Sur cette fiche, on précise aussi si on utilise un contraceptif, lequel, si c'est notre première visite, etc.
Une fois tout le monde arrivé, la séance débute. Elle est toujours animée par 3 personnes : des médecins, des sages femmes, des bénévoles, … qui se présentent et nous demandent de faire de même. Très vite la parole nous revient et ils se contentent d'animer la conversation et de répondre à nos éventuelles questions en nous donnant des informations objectives.
L'objectivité, c'est véritablement ça que je viens chercher au Planning. Lorsqu'une femme évoque son désir d'utiliser tel ou tel contraceptif, les médecins et sages femmes présents se contentent d'expliquer son fonctionnement et de citer ses effets secondaires indésirables notoires. Ils nous répètent que nous avons le droit de choisir le contraceptif qui nous convient le mieux, d'en changer lorsque l'on s'est trompée, et ne remettront jamais nos décisions en question (sauf contre-indication médicale évidemment).
J'ai parlé de mon expérience désastreuse avec mon ancienne gynéco à chaque fois que je suis allée au Planning. Je n'oublierai jamais ce médecin généraliste en stage de fin d'études au Planning qui a été profondément choqué quand je lui ai expliqué pourquoi elle avait refusé de me prescrire mon stérilet en cuivre, comme c'était pourtant mon souhait.
Pour la petite histoire, cette gynéco s'est même permis de sous-entendre que pour les femmes qui, comme moi sans doute, étaient de « vraies girouettes » et susceptibles de changer fréquemment de partenaire, le port de stérilet était contre-indiqué parce qu'il augmenterait le risque d'attraper une IST. Ce qui est faux. Ce qui part du principe que toute femme portant un stérilet serait tellement mal éduquée qu'elle en abandonnerait instantanément l'utilisation du préservatif sous prétexte qu'elle ne risquerait plus de tomber enceinte, oubliant par-là même le risque encore présent d'infections.
Que ça soit bien clair : la seule question qu'un médecin est en droit de vous poser lorsque vous annoncez vouloir vous faire poser un stérilet est de savoir si vous avez fait les dépistages de la chlamydia et des staphylocoques. C'est évidement ce que tous mes interlocuteurs au Planning m'ont confirmé.
Pour revenir au déroulement des séances, les intervenants font systématiquement circuler des stérilets, implants, plaquettes de pilules, anneaux contraceptifs et j'en passe, afin de nous permettre de les visualiser, d'apprendre à les connaître et à fuir les préjugés. La position des intervenants est spécifique au Planning : contrairement à une situation de consultation chez le médecin où c'est le professionnel de santé qui parle et nous fait la grâce de nous toucher de sa Sainte Parole (ce qui est souvent bien utile, entendons-nous bien!), au Planning ce sont les jeunes femmes qui sont invitées à s'expliquer entre elles le fonctionnement des contraceptifs. Le personnel de santé n'est alors là que pour s'assurer de la conformité des informations échangées. On nous répète que puisque toutes les femmes sont différentes, toutes ne réagissent pas favorablement aux mêmes contraceptifs. On nous encourage à partager nos expériences, bonnes ou mauvaises, avec les divers contraceptifs que l'on a utilisés.
Après environ une heure de conversation collective, chaque femme s'isole avec un médecin ou une sage femme pour une consultation privée. Elle pourra alors repartir avec une ordonnance délivrée gratuitement, voire même se faire poser un implant ou encore un stérilet, comme c'est mon cas.
C'est uniquement grâce au Planning que je peux vous affirmer qu'aujourd'hui je porte enfin le contraceptif que j'ai choisi pour mon propre corps. Et c'est grâce au Planning que j'ai pu reprendre possession complète sur ce corps qui est le mien, utiliser le stérilet que je voulais, parce que je le voulais et que je n'avais aucune contre-indication à le faire.
Cette expérience au Planning Familial m'a fait réaliser la nécessité d'une éducation de certains gynécologues en France. La médecine évolue, leur activité devrait faire de même ! Parce que par elle, ils touchent bien plus qu'à des questions purement médicales, mais bien aussi à des questions morales. C'est bien pour des raisons « morales » (SA morale en tout cas) que mon ancienne gynéco m'a refusé le droit de porter un stérilet. Parce qu'une jeune nullipare (femme n'ayant pas eu d'enfant) célibataire semblant un peu "frivole" ne peut pas disposer de son corps comme elle l'entend, c'est bien connu (#sarcasme). C'est pour ces mêmes raisons que je n'avais pas le droit de disposer de mon corps comme je l'entendais.
Aujourd'hui, Madame Mon Ancienne Gynéco, je peux vous affirmer que quelle qu'elle soit, ma sexualité ne regarde que moi et mes partenaires. Que votre travail n'est pas de me juger pour ce que vous croyez savoir sur moi au travers des quelques détails que j'ai pu vous donner, mais bien de me prescrire ce qui sera bon pour mon corps, mes habitudes, mon train de vie. Et de m'éduquer correctement et simplement si vous avez le moindre doute concernant ma connaissance des contraceptifs et des risques d'infections. Mais vous n'en avez même pas pris la peine et ça, je le regrette. Ou plutôt je l'ai regretté. Parce que j'ai la chance d'habiter dans un pays où existent des structures comme le Planning Familial, qui accueillent les femmes dans le besoin, les écoutent, les rassurent, et leur apportent une aide inconditionnelle.
Alors oui, Madame Maréchal-Lepen, je suis hors de moi quand j'apprends que vous tentez de vous attaquer au Planning Familial. Et même si je soupçonne qu'il ne s'agisse d'une promesse en l'air pour vous attirer la sympathie de nos compatriotes les plus extrémistes, je ne vous dirai qu'une chose :